lundi 26 juillet 2010

Les combats de Miellin

Dans la nuit du 1er octobre, vers quatre heures du matin, une estafette provenant du commandement du Combat Command 3, apporte les ordres du Colonel Caldairou, au PC du 3e Escadron, situé à l’Enclose. Une heure après, le Capitaine Brisson enjoint ses directives aux différents éléments de l’escadron.

Ordre est donné au 2e Peloton de l’Adjudant-chef Métayer, d’envoyer une patrouille occupé la localité de Miellin (Haute-Saône), village niché au pied du Ballon de Servance. Le Maréchal des Logis-chef Fleury, chef de bord de l’AM « Nantes » et le Maréchal des Logis Roger Vayssettes, chef de bord de l’AM « Nîmes », sont désignés pour accomplir cette mission. Immédiatement, les deux automitrailleuses et leurs équipages font mouvement. L’avance se fait lentement, à travers une épaisse brume matinale. Dès six heures, ce détachement du 2e Peloton arrive à proximité de Miellin, le village semble encore endormi. Seul le chant du coq vient troubler cette quiétude. Les AM-M8 stoppent au centre du bourg. Bientôt, les premières maisons s’ouvrent, laissant apparaître sur le seuil des portes, les habitants soulagés de voir, à nouveau, les cavaliers du 3e Escadron. Les villageois accueillent chaleureusement ces soldats français qui ont libéré leur commune deux jours auparavant.

Rapidement, les automitrailleuses « Nantes » et « Nîmes » sont rejointes par deux sections FFI de la Compagnie Tremillon, affectée au Bataillon Munier de la Demi-Brigade Pont, du Corps Franc Pommies. Le Maréchal des Logis-chef Fleury, chef de la patrouille, installe son dispositif. Il envoie une section FFI aux abords Nord du village, tandis que l’autre section FFI et l’automitrailleuse « Nîmes » se positionnent au Sud. Le Maréchal des Logis Vayssettes embosse l’AM « Nîmes », à environ cent mètres du village, à hauteur du pont enjambant la rivière Doue de l’Eau. Ce début de matinée s’avère calme. L’équipage de l’AM met pied à terre. Le Maréchal des Logis Vayssettes retourne au centre bourg afin d’y rejoindre le Maréchal des Logis-chef Fleury. Ces deux sous-officiers voient bientôt arriver, au volant de sa jeep, le Maréchal des Logis Corallo, aumônier du régiment, venu visiter les troupes présentes en première ligne.

Au bord de la rivière, le Cavalier René Delhomme, conducteur, le Cavalier Michel, radio et le Brigadier Eugène Fort, tireur de l’automitrailleuse « Nîmes » discutent avec un vieil homme pêchant dans les eaux calmes de la Doue de l’Eau. Celui-ci propose des truites aux trois chasseurs d’Afrique. Mais une voix émanant de la radio de bord met fin à cette flânerie. En effet, des éléments d’infanterie allemande a été repérée au Nord du village, cette patrouille se dirige vers Miellin. Vers onze heures, une reconnaissance à pied est effectuée par une section FFI. A midi, celle-ci confirme la présence d’un fort détachement ennemi dans la forêt de Saint-Antoine, et poursuit sa patrouille plus en avant. Le Maréchal des Logis-chef Fleury informe sa hiérarchie de la situation et demande un tir d’artillerie dans le secteur où les Allemands ont été vus.

A treize heures, le Brigadier Fort entend des déflagrations d’armes automatiques, puis aperçoit la section FFI partie en reconnaissance, sortir de la Forêt « du Revers aux chiens », en courant. Les FFI sont talonnés de près par des Grenadiers ennemis, et essuient un feu nourrit. Aussitôt, le Brigadier Fort bondit à bord de son automitrailleuse, manipule avec dextérité la manivelle et dirige la tourelle vers la droite. Après un rapide coup d’œil dans le viseur, celui-ci actionne la pédale gauche et lâche de violentes rafales de mitrailleuse en direction des Teutons, couvrant ainsi la retraite de la section FFI. Des soldats allemands s’écroulent, fauchés par les balles, dans le champ jouxtant la forêt, les autres prennent la fuite. Les FFI déplorent deux blessés et parviennent à rallier le centre du village. L’automitrailleuse « Nîmes » change et position et vient s’embosser aux abords immédiat de Miellin, à l’entrée Sud de la localité.


De gauche à droite, Cavalier Delhomme (conducteur), Cavalier Michel (radio), Brigadier Fort (tireur) et le Maréchal des Logis Vayssettes (Chef de bord)

Mais les Allemands ne s’avouent pas pour autant vaincu. A quatorze heures, la partie Sud-est du village est soumise à de violents tirs de mortiers. L’ennemi dispose d’un précieux point de vue qui surplombe toute la commune. Les tirs se font de plus en plus précis. Après une préparation d’artillerie d’une dizaine de minutes, l’infanterie allemande entre en action et mène une véritable attaque. L’accrochage devient très vite sérieux et l’ennemi en surnombre, afflue de part et d’autre de la route et des pâturages avoisinants.

Dès les premiers coups de feu, le Brigadier Fort plonge littéralement, tête première dans la tourelle de l’automitrailleuse « Nîmes ». Le conducteur, le Cavalier Delhomme regagne son poste de conduite. Les balles ricochent contre le blindage du véhicule. Alors que le Cavalier Michel, radio de bord, tente de remonter, celui-ci est touché au bras par une balle. Des grenades à manches allemandes explosent à proximité de l’AM-M8, l’ennemi se rapproche dangereusement. Aussitôt, le Brigadier Fort expédie des obus fusants et endigue la progression adverse. Le Maréchal des Logis Vayssettes, revenant du centre bourg, parvient à la hauteur de l’AM et ouvre le feu sur les assaillants, avec sa mitraillette Thompson, suivi de l’Abbé Corallo, venu secourir le Cavalier Michel. Les balles fusent au dessus des têtes des Chasseurs d’Afrique. Le Maréchal des Logis Corallo, sous un déluge de feu, parvient à mettre le Cavalier Michel, à l’abri dans le café Py. A peine a-t-il installé le blessé dans la salle du café, que celui-ci décide de retourner au contact des défenseurs du village. Sur le pas de la porte, soudainement, l’Abbé Corallo s’écroule, mortellement atteint par une balle au visage. Marcel Corallo était né le 29 mai 1917 en Algérie, au souk Aras de Constantine.

Abbé Marcel Corallo

Au même moment, les Allemands mènent une attaque simultanée dans le nord du village. Les Cavaliers du 2e Peloton et les FFI de la Compagnie Tremillon risquent de se faire submerger par l’ennemi. Au cœur de la commune de Miellin, le Maréchal des Logis-chef Fleury demande des renforts. Peu de temps après, l’automitrailleuse « Nancy » de l’Adjudant Métayer arrive en soutien. Le Brigadier-chef Lavens, tireur de l’AM « Nancy » couvre la retraite de la section FFI engagée au sud de Miellin. Un FFI s’écroule, blessé par une balle, il est aussitôt ramené vers l’arrière par deux de ses camarades. A quatorze heures trente, l’Adjudant Métayer reçoit l’ordre de décrocher. Celui-ci ordonne à la Compagnie FFI Tremillon de rompre le contact avec l’ennemi et de quitter rapidement le village. Les automitrailleuses assurent leur protection et mènent des combats retardateurs. L’AM « Nîmes » reflue, en marche arrière vers le centre du bourg.

La situation demeure confuse, l’infanterie allemande est parvenue à s’infiltrer dans toute la localité. Une grenade explose près de l’AM « Nancy » détruisant l’antenne. La communication avec le PC du 3e Escadron est rompue. Tant bien que mal, l’automitrailleuse « Nancy » de l’Adjudant Métayer et l’AM-M8 « Nantes » du Maréchal des Logis-chef Fleury parviennent à s’extirper de ce guet-apens. L’AM « Nîmes » du Maréchal des Logis Vayssettes se trouve, quant à elle, dans une fâcheuse posture. En effet, celle-ci se situant encore à l’extrémité Sud de Miellin, doit traverser entièrement le village, sous les feux de l’ennemi, pour rallier les positions tenues par les troupes françaises. Grâce à l’habilité du Cavalier Delhomme, conducteur de l’AM « Nîmes » et au courage du Brigadier Fort qui, à coup de canon de 37, ouvre la route, l’automitrailleuse se sort brillamment de ce guêpier.

A seize heures, la Compagnie Tremillon est parvenue à atteindre le PC du 3e Escadron à 1km à l’ouest du village de La Grève. A dix-sept heures, le repli du 2e Peloton est terminé. Ordre est donné à ce peloton de se positionner en avant du carrefour de La Grève, en direction de Miellin. Appuyé par la Compagnie FFI Conti, le 2e Peloton de l’Adjudant Métayer pousse des patrouilles jusqu’à environ trois cent mètres de Miellin.

Au cours des combats de Miellin, le 2e Peloton a perdu un homme d’exception, l’Abbé Corallo et un prisonnier, le Cavalier Michel. Les FFI de la Compagnie Tremillon déplorent 3 blessés. Tandis que les pertes du côté allemand s’élèvent à 11 tués et 47 blessés. Malheureusement, la commune de Miellin n’aura goûté qu’à une courte libération. Durant les combats à venir, le village subira l’explosion de 35 000 obus et perdra 10% de sa population.

Pour la petite histoire, le Brigadier Eugène Fort et le Maréchal des Logis Roger Vayssettes retrouveront le Cavalier Michel, trente ans plus tard, lors d’une réunion des anciens du 3e Régiment des Chasseurs d’Afrique. Celui-ci avait survécu à sa blessure et à sa captivité.

9 commentaires:

  1. Je vous remercie vivement pour cette histoire dont j'ignorais le détail, et qui me concerne pourtant directement
    Je m'appelle en effet Marcel Corallo en souvenir de l'Abbé Corallo qui était le cousin de mon père Corallo Ferdinand qui a également débarqué en Provence.
    Cordialement
    Marcel Corallo
    marcel.corallo@numericable.com

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    1. Bonjour Monsieur Corallo, Je garde précieusement cet article car Marcel Corallo était le frère de ma Mère, donc mon oncle. Je ne me souviens pas à l'époque où j'ai lu cet article avoir vu votre message. Peut-être est-il un peu tard pour savoir qui est Ferdinand Corallo car j'ai 71 ans et les anciens ont en partie disparu. J'aimerais pourtant connaître le lien qui nous unit. Il y a Blaise (Biaggi) Corallo le père de ma mère donc mon grand père et un de ses oncle que j'ai très bien connu Vincent Corallo, un frère de Blaise. A l'époque les enfants étaient nombreux dans les familles et en essayant de faire le tri ,il semblerait que Vincent et Blaise soient les oncles de votre père et votre grand père un frère de Vincent et Blaise . Nous serions donc des petits cousins Est-ce que je me trompe ? Je suis née et j'ai habité à Alger jusqu'à la débandade de 1962 et je suis la seule de la famille a avoir été baptisée par mon oncle Marcel
      Annie BLOES née MACCOTTA
      rene.bloes@sfr.fr

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  2. Bonjour Monsieur Corallo,

    Je suis ravi de vous avoir apporté quelques précisions quant à la fin tragique de l'Abbé Corallo ! Ces faits m'ont été relatés par deux anciens du 2e Peloton, tous deux présents à Miellin ! Si vous avez des questions ou si vous souhaitez que j'écrive une biographie de l'Abbé Corallo, dans un futur article, n'hésitez pas à me contacter !
    Cordialement
    David

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  3. Je m'appelle Hubert CORALLO. L'Abbé Marcel CORALLO est mon cousin de 2ième génération, et aussi mon Parrain. J'avais 8 ans, lorsque je l'ai vu pour la dernière fois. Son père, (j'ignore son prénom ),Mr CORALLO et sa soeur, Mme CILIA-CORALLO, sont des cousin germains de mon père Emanuele CORALLO.Je vous remercie , David, de m'avoir communiqué les détails sur la mort de mon Parrain.
    Je remercie aussi Marcel CORALLO , fils de Fernand et Jeannette CORALLO. Fernand CORALLO est mon cousin germain, fils de Salvatore CORALLO et neveu de Emanuele CORALLO mon père.
    Tu vois Marcel , nous sommes cousins.
    Signé :Hubert CORALLO
    e-mail: hubert.corallo 0515@orange.fr

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  4. Roger VAYSSETTES ancien de Rhin Danube qui était avec l'abbé CORALLO vient de décéder le 31/12/2013 Il me parlait souvent de cette époque. Inclinons nous

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  5. Bonjour,

    Bien triste nouvelle que vous m'annoncez ! J'ai eu l'occasion de conserver, au téléphone, avec M. Vayssettes, à plusieurs reprises. Ses récits étaient captivant. C'était un Grand Homme...

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  7. Fils de Lavens Julien , j’essaye de tracer son parcourt lors de cette guerre. Ses papiers militaire font états de ses services à savoir : Engagé volontaire il embarque pour l’Algérie en 1941 .. pour revenir et débarquer à Ste Maxime le 10.09.1944… Il faisait parti du 3eme RCA.
    Ayant eu une citation le 19.10.1944 signé par le chef d’escadron Gentien à l’occasion lors du combat de MIELLIN ou il est cité comme tireur de l’AM ‘ Nancy’ j’ai pu retrouver grâce à cette page que qu’il a vécu … Grand merci à L’auteur
    Lavens Francois…..frco@evhr.net

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  8. Bonsoir Mr Lavens,

    Ravi que cet article vous ait plu ! Si vous avez des photos de votre père, ou de l'AM "Nancy", je peux les insérer dans cet article. Cordialement

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